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PSAN et émetteurs de jetons : panorama des sanctions

Avec la Loi Pacte du 22 mai 2019, le statut juridique de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN) a été introduit comme fondement du cadre réglementaire français relatif aux actifs numériques .

Depuis plusieurs mois, le contentieux afférent à ce statut s’est développé significativement qu’il s’agisse des services de conservation d’actifs numériques (achat/vente d’actifs numériques), du respect par les PSAN de leurs obligations réglementaires ou des émissions de jetons.

Le présent article offre un panorama des notions de PSANs et d’émetteurs de jetons et des sanctions pouvant leur être imposées en cas de violations du cadre réglementaire français.


Les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSANs)

Qu’est-ce qu’un Prestataire de Services sur Actifs Numériques ?

Une entité est un PSAN si elle offre au moins un des services sur actifs numériques listés à l’article L.54-10-2 du Code Monétaire et Financier (CMF). Ceux-ci incluent (mais ne se limitent pas à) :

  • la conservation d’actifs numériques ;
  • le service d’achat ou vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;
  • l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;
  • l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques.

Le fait de proposer la détention et/ou le trading d’actifs numériques (crypto, NFT, etc.) via des comptes d’actifs numériques entre ainsi dans la catégorie des services sur actifs numériques. Les exchanges et/ou fournisseurs de wallets sont donc les premiers concernés par le cadre réglementaire des services sur actifs numériques .

Les PSANs doivent être enregistrés auprès (et parfois détenir un agrément) de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). En avril 2022, 37 PSANs étaient enregistrés auprès de l’AMF et une quarantaine de dossiers étaient en cours d’instruction[1].

L’obligation d’enregistrement obligatoire des PSANs auprès de l’AMF

D’après les articles L.54-40-1 à 4 du CMF, les PSANs ont l’obligation de s’enregistrer auprès de l’AMF.

Cette obligation s’impose aux PSANs établis en France et à ceux établis à l’étranger mais fournissant des services en France dans les conditions spécifiées par l’article 721-1-1 du Règlement Général de l’AMF et la Position de l’AMF DOC 2020-07 mise à jour le 31 mai 2022.

Un PSAN est considéré comme prestataire de services en France lorsqu’au moins un des critères suivants est vérifié :

  • Le prestataire de service dispose d’un local commercial ou d’un lieu destiné à la commercialisation d’un service sur actifs numériques en France ;
  • Le prestataire de service a installé un ou des automates proposant des services sur actifs numériques en France ;
  • Le prestataire de service adresse une communication à caractère promotionnel, quel qu’en soit le support, à des clients résidant ou établis en France ;
  • Le prestataire de service organise la distribution de ses produits et services à travers un ou plusieurs des réseaux de distribution à destination de clients résidant ou établis en France ;
  • Le prestataire de service dispose d’une adresse postale ou d’un numéro de téléphone français ;
  • Le prestataire de service dispose d’un nom de domaine de son site internet en « .fr ».

Cette liste n’est pas limitative, et l’AMF peut considérer qu’un PSAN offre ses services en France en se basant sur tout autre critère pertinent.

Avant d’enregistrer les PSANs, l’AMF obtient un avis conforme de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).

Les conséquences d’un manquement à l’obligation d’enregistrement des PSANs

Un manquement à l’obligation d’enregistrement des PSANs imposée par la réglementation peut entraîner des sanctions pénales et/ou administrative.

Les conséquences pénales

Les sanctions pénales sont résumées dans le tableau suivant :

Fondement légalManquement à la réglementationSanctions maximales
Article L.572-26 al. 2 CMFNon-respect de l’obligation d’enregistrement auprès de l’AMF 2 ans d’emprisonnement
Personnes physiques : 30 000 € d’amende
Personnes morales : 150 000 € d’amende
Article L.572-23 al.1 CMFAbsence de notification de changements pouvant compromettre le respect de l’obligation d’enregistrement auprès de l’AMF ou la communication de renseignements inexacts à l’AMF1 an d’emprisonnement
 Personnes physiques : 15 000 € d’amende
 Personnes morales : 75 000 € d’amende
Article L.572-24 CMF
 
Article L.571-14 CMF
Absence de coopération avec l’AMF (ex : absence de réponse aux demandes d’informations, communications de renseignements inexacts, etc)1 an d’emprisonnement
 Personnes physiques : 15 000 € d’amende
 Personnes morales : 75 000 € d’amende

Les sanctions ci-dessus peuvent uniquement être attribuées par les Cours pénales, et non par les autorités de contrôle comme l’AMF ou l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).

Cependant, si l’AMF et/ou l’ACPR a/ont connaissance du manquement d’un PSAN à l’obligation d’enregistrement, elle(s) doivent envoyer un signalement au Procureur. Le Procureur va ensuite avoir la possibilité d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre du PSAN.

Les conséquences administratives

Conformément à l’article L.621-13-5, I, 4° du CMF, un PSAN qui n’est pas enregistré auprès de l’AMF mais qui fournit des services réglementés en France peut être mis en demeure par l’AMF de cesser ses activités. La mise en demeure rappelle les sanctions encourues par le PSAN et la possibilité pour celui-ci de présenter ses observations dans un délai de 8 jours.

Simultanément, l’AMF peut enjoindre « les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne »[2] de prendre toute mesure propre à empêcher l’accès au contenu du service de communication au public en ligne. Le fournisseur de services internet sera aussi invité à présenter ses observations sous 8 jours.

Dans le cas où ces mesures ne sont pas respectées avant la fin du délai requis, l’AMF peut en informer le Président du Tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir la fermeture des sites internet concernés.

L’agrément optionnel permettant aux PSANs de fournir des services plus étendus

En plus de l’enregistrement obligatoire, les PSANs peuvent solliciter un agrément auprès de l’AMF conformément à l’article L.54-10-5 du CMF. Bien que cet agrément soit optionnel, celui-ci permet aux PSANs de fournir un panel de services sur actifs numériques plus étendu.

En effet, seuls les PSANs agréés sont autorisés à :

  • Pratiquer le démarchage commercial de services banquiers ou financiers (article L.341-3 du CMF) ; le démarchage est défini comme (i) une prise de contact non sollicitée (ii) avec une personne physique ou morale (iii) dans le but de promouvoir des services sur actifs numériques (article L.341-1 du CMF).
  • Pratiquer le quasi-démarchage en ligne en vue de promouvoir les services sur actifs numériques pour lesquels ils sont agréés (article L.226-16-1 du Code de la consommation).
  • Prendre part à un mécénat ou un parrainage ayant pour but la promotion directe ou indirecte de services sur actifs numériques (article L.222-16-2 du Code de la consommation).

En contrepartie, les prestataires agréés sont soumis à certaines obligations supplémentaires comme l’établissement d’une politique commerciale non discriminatoire ou la conclusion avec leurs clients d’une convention définissant leurs missions et leurs responsabilités[3].

Les sanctions relatives à l’agrément optionnel de l’AMF

Les sanctions pénales sont résumées dans le tableau suivant :

Fondement légalManquement à la réglementationSanctions maximales
Article L. 572-26 CMFDiffusion de fausses informations concernant l’agrément de l’AMF (ex : faire référence à l’agrément sans l’avoir, fournir des informations erronées ou trompeuses, utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité laissant croire qu’il est agréé)6 mois d’emprisonnement
 
Personnes physiques : 7 500 € d’amende
 
Personnes morales : 37 500 € d’amende
Article L.341-3 CMF
 
Article L.353-2 CMF
 
 
Article 313-1 du Code Pénal
La pratique du démarchage par un PSAN non-agréé5 ans d’emprisonnement
 
Personnes physiques : 375 000 € d’amende
 
Personnes morales : 1 875 000 € d’amende
Article L.226-16-1 du Code de la consommationLa pratique du quasi-démarchage en ligne par un PSAN non-agréé100 000 € d’amende
Article 222-16-2 du Code de la consommationLa participation à un mécénat ou un parrainage d’un PSAN non-agréé100 000 € d’amende

Les émetteurs de jetons

Qu’est-ce qu’un émetteur de jeton ?

La notion d’émetteur de jetons n’est pas encore définie par la loi française. Selon l’article L. 552-2 du CMF, un jeton est un bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droit(s) pouvant être émis, inscris, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire du bien.

En pratique, les jetons, aussi appelés « tokens », sont utiles dans des contextes de levées de fonds en cryptomonnaies (ICO) car ils constituent ainsi un outil de financement des entreprises. Leur conservation, l’achat, ou leur vente répondent aux mêmes règles de droit que celles énumérées ci-dessus, s’agissant d’actifs numériques au même titre que les crypto-actifs visés au second alinéa de l’article L. 54-10-1 du CMF.

Le visa optionnel pouvant être délivré par l’AMF

Les émetteurs de jetons n’ont aucune obligation d’enregistrement auprès de l’AMF. Cependant, un émetteur de jeton personne légale en France peut demander l’approbation d’une offre initiale de jetons (Inital Coin Offering, ICO) afin de bénéficier d’un visa optionnel délivré par l’AMF conformément à l’article L.552-4 du CMF.

Afin d’obtenir un tel visa, les sociétés doivent, notamment, produire un document, communément appelé « white paper », contenant des informations sur l’émetteur de jetons et sur l’offre de jetons. Le visa garanti que l’AMF a vérifié ce document et que celui-ci est compréhensible pour les investisseurs.

Fondement légalManquement à la réglementationSanctions maximales
Article L.575-27 CMF
Fausses informations concernant le visa de l’AMF (ex : faire référence à l’agrément sans l’avoir, fournir des informations erronées ou trompeuses, utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité laissant croire qu’il est agréé)
 

 
6 mois d’emprisonnement
 
Personnes physiques : 7 500 € d’amende
 
Personnes morales : 37 500 € d’amende

Pour les ICOs non-visées par l’AMF, les émetteurs de jetons seront sanctionnés par des sanctions identiques à celles imposées aux PSANs non-agréés concernant le démarchage, le quasi-démarchage, le mécénat et le parrainage.

Pour finir, si l’AMF réalise qu’un ICO n’est plus compatible avec le contenu du document d’information précédemment approuvé, elle peut retirer son visa et ajouter l’ICO à la liste noire si l’ICO continue son activité après le retrait de l’approbation. La liste noire contient aussi les offres des sociétés diffusant des informations inexactes ou trompeuses concernant le visa.


Pour plus d’informations relatives aux risques encourus par les PSAN au-delà de leurs obligations réglementaires, en matière de procédures collectives : https://ref-avocats.com/fr/2022/02/11/cryptomonnaies-et-actif-disponible-societe/.

Pour une revue détaillée du contentieux relatif aux actifs numériques et aux cryptoactifs des derniers mois : https://ref-avocats.com/fr/2022/03/03/focus-crypto-assets-litigation/.

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Cette publication a été publiée pour l’information générale de nos clients et des personnes pouvant y être intéressées. Elle ne peut être assimilée à une consultation juridique d’avocat et ne saurait, à ce titre, constituer un avis juridique sur une situation donnée.

L’équipe d’avocats du cabinet se tient à la disposition de ses clients pour leur apporter expertise et assistance dans les litiges auxquels ils sont confrontés, dans le cadre de processus de médiation ou de conciliation ou devant les juridictions judiciaires ou arbitrales.


[1] Stéphane Pontoizeau, directeur de la supervision des intermédiaires et infrastructures de marché à l’AMF pour BFM crypto, « Les dossiers d’acteurs crypto pour s’enregistrer auprès de l’AMF se bousculent », 4 avril 2022.

[2] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, article 6.

[3] Article L.54-10-5 du CMF