juillet 25, 2022
CONFLITS ENTRE ACTIONNAIRES : MODE OPERATOIRE
LES ORIGINES DU CONFLIT
Un conflit entre associés peut survenir pour différentes raisons et prend souvent des formes variables. Il peut s’agir d’une simple mésentente temporaire, d’un associé opérationnel qui ne vient plus travailler ou qui a créé une société concurrente, voire de problèmes plus graves susceptibles de qualifications pénales (abus de biens sociaux, escroquerie, vol).
En fonction de la diversité des situations, les conséquences du désaccord peuvent être variables mais représentent systématiquement une menace durable pour la société.
Le cabinet propose un aperçu synthétique des différentes mesures judiciaires qui peuvent être envisagées, dans les cas les plus fréquents, pour tenter d’apporter une solution au litige.
LE PROBLEME
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Blocage temporaire des organes de gouvernance
La mésentente entre associés peut conduire à une situation de blocage des organes de gouvernance de la société, notamment lorsqu’il s’agit d’une société dont le capital social est réparti à parts égales entre les associés ou lorsque certaines décisions doivent être prises conformément aux statuts selon une majorité qualifiée inatteignable en raison de l’opposition de l’un des associés.
Selon la diversité des cas, l’opposition d’un associé peut relever de l’abus de droit, qu’il s’agisse d’un abus de majorité ou d’un abus de minorité.
LA SOLUTION
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En cas d’abus de majorité
Action en nullité des délibérations de l’assemblée générale ayant été adoptées par les associés majoritaires au préjudice des associés minoritaires
En cas d’abus de minorité empêchant l’adoption d’une résolution
Désignation d’un mandataire par le tribunal qui sera chargé de voter dans l’intérêt social
___________________________LA_____________________LA SOLUTION
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Blocage permanent de la prise de décision en assemblée générale
Dans les cas les plus graves, le blocage peut être permanent et révéler une dissolution irréversible du lien entre les associés. Il s’agit de la situation dans laquelle les résolutions ne peuvent plus être votées et adoptées en assemblée générale.
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Dissolution judiciaire de la société
La dissolution peut être demandée judiciairement au tribunal de commerce du siège social de la société. La dissolution ne peut être prononcée que pour justes motifs, appréciés par le juge.
Il s’agit notamment des cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente grave entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
Si la dissolution judiciaire est prononcée, un liquidateur est désigné afin que le passif social soit apuré et les actifs réalisés.
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Refus du dirigeant de convoquer une assemblée générale
Dans les startups, TPE et PME, le dirigeant social est quasi-systématiquement actionnaire de la société, de telle sorte que le conflit entre associés se propage fréquemment sur la mission du mandataire sociale. Sa gestion va être remise en cause mais la divergence d’intérêts entre le dirigeant et les actionnaires peut conduire au refus par ce dernier de soumettre certaines résolutions aux votes des associés.
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Désignation d’un mandataire ad hoc par le tribunal
Celui-ci aura pour mission de procéder à la convocation des associés à l’assemblée générale , de mettre aux votes les résolutions et d’établir le procès-verbal relatant le résultat du vote.
À la différence de l’administrateur provisoire, le mandataire ad hoc n’est pas investi d’un mandat de gestion général mais intervient uniquement pour la réalisation d’une opération ponctuelle et limitée.
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Opacité des décisions de gestion
Il arrive fréquemment que le dirigeant prenne des décisions qui peuvent ne pas sembler avoir été prises dans l’intérêt de la société mais dans le sien, ou en dépit d’une gestion saine.
Or, les associés n’ont qu’une visibilité partielle sur la gestion courante et opérationnelle de la société se matérialisant, par principe, lors de l’information annuelle à l’occasion de l’approbation des comptes sociaux.
Sauf stipulation plus favorable aux associés, ceux-ci n’auront accès qu’au rapport de gestion, aux comptes annuels et au rapport sur les conventions réglementées.
Ces documents sont essentiels mais souvent insuffisants pour permettre aux associés de contrôler effectivement la gestion de l’entreprise.
Ceux-ci n’ont ainsi pas accès aux livres comptables nécessaires (grand livre, livre journal) ou aux comptes bancaires ce qui pourrait leur permettre de prendre connaissance d’opérations potentiellement litigieuses. Seul le dépôt des comptes annuels peut faire l’objet d’une injonction.
Les informations fournies par le dirigeant aux associés peuvent ainsi s’avérer insuffisantes et ne pas répondre à leurs attentes au regard de la situation de la société.
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Mise en œuvre de la procédure d’expertise de gestion
Chaque associé minoritaire représentant individuellement ou ensemble au moins 5% du capital social peuvent poser par écrit au dirigeant social des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées de la société.
A défaut de réponse dans un délai d’un mois ou à défaut de communication d’éléments de réponse satisfaisants, le ou les associés peuvent demander en référé au président du tribunal de commerce la désignation d’un expert qui aura la charge de rendre un rapport sur les opérations de gestion.
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Désaccord entre le dirigeant et les associés
Décision prise par le dirigeant susceptible de nuire à l’intérêt social.
Dirigeant ayant perdu la confiance des associés.
Manquement du dirigeant à ses obligations légales ou statutaires.
Divergences entre les associés et le dirigeant de nature à compromettre le fonctionnement de la société.
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Mise en œuvre de la procédure de révocation du dirigeant
La révocation du gérant de la société (sarl) ou de son président (sas) intervient, par principe, en assemblée générale.
En cas de blocage, elle peut être demandée judiciairement par tout associé au tribunal du siège social de la société, pour cause légitime. En cas d’urgence, la révocation peut être sollicitée en référé.
Lorsqu’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, la révocation du gérant doit impérativement intervenir pour justes motifs. Si tel n’est pas le cas, la révocation peut donner lieu à des dommages intérêts en faveur du gérant. Lorsqu’il s’agit d’une autre forme sociale, la révocation du dirigeant doit intervenir selon les conditions prévues aux clauses statutaires.
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Cessation des fonctions, création d’une entreprise concurrente ou toute autre cause d’exclusion prévue par les statuts ou le pacte d’associés
Ces hypothèses visent les cas dans lesquels il est mis un terme aux fonctions d’un associé soit par son licenciement soit par sa révocation de son mandat social. Il peut s’agir d’un licenciement avec ou sans faute ou de la révocation de son mandat social de gérant, de président ou de directeur général. Plus rarement, la démission de l’associé opérationnel peut également constituer une cause d’exclusion si cela a été prévu lors de la rédaction des statuts.
Il s’agit aussi fréquemment du non-respect d’une clause de non-concurrence se matérialisant par la création d’une société concurrente.
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Exclusion de l’associé
En pratique, il est également fréquemment prévu qu’un associé qui exerce des fonctions opérationnelles puisse être contraint de céder ses parts lorsque ses fonctions prennent fin.
Dans une telle situation, l’exclusion prend alors la forme de l’exercice d’une promesse de cession de parts par les autres associés ou la société.
Généralement, le prix de cession de ses parts sera déterminé en fonction de la clause d’exclusion. Selon les modalités convenues contractuellement, il peut alternativement être laissé à l’arbitrage d’un expert selon la procédure de l’article 1843-4 du code civil ou calculé selon une formule contractuelle.
Si la fin des fonctions opérationnelles est qualifiée de fautive, le prix de cession sera souvent décoté. Il s’agit de l’hypothèse d’un bad leaver. Lorsqu’il est mis un termes aux fonctions opérationnelles de l’associé sans qu’il ne soit relevé de faute à son encontre, il s’agit d’un cas de good leaver.
L’associé exclu de façon abusive peut saisir les tribunaux afin de voir prononcer la nullité de la décision d’exclusion , et peut également solliciter des dommages-intérêts en cas de violation des droits de la défense.
Ces solutions judiciaires ne sont toutefois pas nécessairement adaptées à telle situation et constituent de simples hypothèses.
Il peut être préconisé de recourir d’abord à une médiation (celle-ci peut être conventionnelle ou judiciaire lorsque le médiateur est désigné par le tribunal) ou, en amont, à des procédures de traitement des difficultés des entreprises telles que le mandat ad hoc ou la nomination d’un conciliateur. Le rôle de ces tiers sera d’alerter les associés sur le risque que peut présenter un conflit durable sur la pérennité de la société.
Il peut notamment s’agir des cas dans lesquels les règles statutaires n’ont pas prévu de procédure de liquidité des titres ne permettant pas aux associés de sortir d’une SARL ou d’une SAS, sauf accord amiable. Il peut également s’agir de l’hypothèse dans laquelle aucun pacte n’a été conclu de sorte qu’il n’a pas été déterminé de processus pour se séparer d’un actionnaire minoritaire.
La pratique montre que ces alternatives aux procédures et à la voie judiciaire permettent de contourner les situations de blocage et de régler un différend entre associés de manière efficace et rapide.
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RONDOT EYCHENE FREMINVILLE
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